Découvrez l’histoire, la recette et tous les secrets du Craquelin Breton. Ce petit biscuit, qui a su traverser les siècles, vous accompagnera du petit-déjeuner au diner.
Cette spécialité qui s’accommode de 1001 façons ne vous laissera pas indifférent.
© Anne Paris
Le Craquelin Breton appelé également échaudé est une spécialité du pays de la rance en Bretagne.
A la frontière entre l’Ile et Vilaine et les Côtes d’Armor, cette spécialité dont le nom d’origine Néerlandaise « Crakelinc » signifie « craquer sous la dent » est un savant mélange entre le biscuit sec et le petit pain soufflé.
Egalement appelé « échaudé », il existe depuis fort longtemps puisqu’en 1265, Lespinasse l’assimile à un gâteau dans un texte retrouvé dans le nord de la France.
Au Moyen-âge, en 1607, la recette est publiée dans le "Thrésor de santé ». On découvre dans ce texte que : "Pour faire des craquelins, on destrempe de la farine avec des œufs, du beurre, de l'eau chaude, on broye conséquemment la paste avec le broy, qui est un gros pilon rond et court. Ce faict, on met la paste en eau chaude et de là en eau froide. On peut mesler de bon fromage gras broyé à part. Après estre tiré, on laisse essuyer pour faire cuire au four."
En 1684, dans son Dictionnaire universel, Furetière donne déjà une définition qui permet de mieux caractériser ce craquelin : "Pâtisserie fort sèche qui est faite en forme d'une écuelle et qui craque sous les dents en la mangeant."
On retrouve dans cette définition le sens étymologique et surtout la description d’un biscuit qui ressemble à s’y méprendre au craquelin Breton.
Aujourd’hui, rien n’à changer. Toujours très reconnaissable, sa forme ronde à ovale, nous fait penser à une petite coupelle de 7 à 10 cm, creusée en son centre et dont les bords sont relevés.
« Le boulanger et sa femme »
Tableau du peintre hollandais Jan Steen 1638
Ces biscuits ou petits pains soufflés étaient vendus par des marchands ambulants le long des routes, dans les campagnes, les ports et les marchés. Très rependus à St Malo du fait des échanges commerciaux avec les Flandres, les marins de Terre-Neuve emportaient cette friandise conservable de longs mois et très facile à transporter.
Assimilable à la famille du Patissous limousin ou du Bretzel alsacien, le Craquelin est obtenu grâce à la technique de l’échaudage. La pâte composée de farine, d’œufs, d’eau et de levure, est tout d’abord plongée quelques minutes dans l’eau bouillante afin de modifier sa texture lui permettant l’obtention d’une fine croûte brillante et légèrement caoutchouteuse. Puis, elle est cuite au four ce qui lui confère une belle couleur dorée, légère et croustillante.
Le craquelin, dans sa recette originale ne comporte ni sel ni sucre. Sa texture doit être fondante en bouche et son croquant nous rappelle la biscotte. Quant à son goût très neutre, il ne connaît aucun équivalent. Cette particularité lui permet toutes les audaces.
Ainsi, il pourra se déguster au petit-déjeuner, nature avec du beurre salé ou de la confiture mais également en apéritif puisqu’il est idéal pour la réalisation de toasts croustillants ou encore comme base pour la réalisation de certains plats.
Aujourd’hui, il ne reste que 5 entreprises qui se partagent le marché du craquelin. Toutes situées en Bretagne, deux se distinguent.
La première, « les craquelins de St Malo », leader sur le marché et qui se lancent dans l’export, gardent leur recette inchangée depuis 1923 et obtiennent le label « patrimoine vivant ».
La seconde, Les Craquelins Bellier de Pleudihen sur Rance, représentent une entreprise artisanale qui existe depuis 1716 et dont le savoir faire se transmet de génération en génération.
les Craquelins de Saint-Malo (35)
les Craquelins Bellier (Pleudihen sur Rance-22)
les Craquelins de la Baie (St Père Marc en Poulet, 35)
les Petits craquelins de Fréhel (22)
500g de farine de froment
30 g de levure de boulanger
50g de sucre en poudre (facultatif)
25cl de lait
100g de beurre mou
1 œuf
1 pincée de sel
Malt (facultatif)
1. Prendre une casserole et faire tiédir le lait et diluer la levure dans le lait tiède
2. Verser la farine dans un saladier
3. Faire une fontaine au centre de la farine
4. Faire fondre le beurre quelques seconde au micro-onde
5. Ajouter l'œuf, la levure diluée dans le lait, le beurre fondu, la pincée de sel et le sucre (facultatif)
6. Pétrir et laisser reposer 15 minutes dans la partie « étuve » du four ou dans un endroit assez chaud
7. Pétrir à nouveau la pâte pour la densifier et la dégazer (enlever les petites bulles d’air)
8. Etaler la pâte au rouleau pour 0.5cm d'épaisseur
9. Découper des cercles d'environ 7cm (Entre 6 et 10cm maximum)
10. Piquer chaque petit cercle avec la fourchette
11. Faire chauffer de l’eau et attendre son ébullition
12. Pendant ce temps, préparer un saladier rempli d’eau bien froide (avec des glaçons, c’est encore mieux !)
13. Préchauffer le four 200C°
14. Plonger les petits cercles de pâte dans l’eau, l’un après l’autre.
15. Dès qu’ils gonflent et remontent à la surface, les sortir de l’eau
16. Les plonger immédiatement dans le saladier d'eau froide
17. Les égoutter sur un linge bien sec
18. Mettre ces cercles échaudés sur la plaque du four recouverte de papier cuisson
19. Cuire 30 à 45 minutes en les retournant à mi-cuisson
20. Les sortir dès qu'ils sont craquants et qu’ils ont pris la forme souhaitée.
Il n’y a plus qu’à les déguster !
Crée par Eugène HERPIN, issu du livre « La Côte d'Emeraude, histoires et coutumes du Clos-Poulet », 1914 (Rennes-La Découvrance-1994, p. 195)
C'était, il y a longtemps, longtemps. C'était, dans un des petits villages qui entourent le bourg de Pleurtuit. On était au 24 décembre. Il faisait grand froid, et depuis longtemps la neige enlinceulait toute la campagne.
Toute seule, au coin de son foyer, pleurait, à chaude larmes, la jolie Mar'Yvonnette !
Pauvre ! Pauvre Mar'Yvonnette ! C'était donc fini ! bien fini ! elle n'épouserait jamais Mar'Yvon, son bien-aimé. Et, pourquoi cela ? Parce que Mar'Yvon était trop pauvre ! Je vous le demande : est-ce que c'est donc une poignée d'écus, au fond d'un bas de laine, qui vraiment peut faire le bonheur ?
Et, cependant, le père de Mar'Yvonnette avait été bien catégorique. En partant pour la messe de minuit, dont le dernier son s'éteignait maintenant dans l'air bleu, criblé d'étoiles :
— Ma fille, avait-il dit à Mar'Yvonnette, je ne veux pas te mettre à chercher ton pain. Oh ! Je ne dis pas le contraire, Mar'Yvon est un honnête et bon gars. Mais, si dolent ! Que peut-il gagner dans sa journée ? À peine une douzaine de liards : juste de quoi ne pas périr de faim ! C'est donc bien décidé ! Quand, après la messe de minuit, il va venir savoir sa réponse, tu auras soin, suivant la coutume du village, de piquer debout, les tisons éteints, tout autour du feu que tu laisseras mourir. Le gars comprendra ce que ce langage veut dire.
— Oh ! papa, papa, je vous en supplie, ne me commandez pas cela, avait, en se traînant sur les genoux, supplié la jolie Mar'Yvonnette.
— Eh bien ! avait alors dit le père, je mets ton sort entre tes mains. À la place de grosses galettes noires, fais-moi, pour le réveillon, avec ce sarrasin, un beau gâteau aussi blanc que le lys des champs, et aussi doré que la flamme du foyer ; que ce beau gâteau craque sous la dent, comme le givre d'hiver craque en ce moment sous mon sabot, et Mar'Yvon sera ton mari.
— Mais, papa, vous me demandez l'impossible !
— L'amour, ma fille, rend ingénieux.
Lors, sa lanterne à la main, le père de Mar'Yvonnette partit pour la messe de minuit. Mar'Yvonnette entendit le givre d'argent qui craquait sous son sabot, comme le froufrou d'une robe de soie. Et Mar'Yvonnette se mit à pleurer.
Cependant, ayant séché ses jolis yeux de pervenche, Mar'Yvonnette se mit à genoux.
— Oh ! s'écria-t-elle, doux Jésus de la Crèche, vous qui pouvez tout, faites que je puisse, avec ce blé noir, façonner, pour le réveillon de papa, un gâteau blanc comme le lys des champs et doré comme la flamme du foyer. Faites encore que ce merveilleux gâteau craque sous la dent, comme craque, sous nos sabots, le givre de décembre !
« Et, toc ! toc ! Toc ! »... À ce moment, Mar'Yvonnette entendit frapper à la porte.
— Au nom du doux Jésus de la Crèche, ouvrez-moi ! disait une voix plaintive, comme un souffle d'hiver.
Mar'Yvonnette ouvrit. Dans un tourbillon de neige, entra un enfantelet. Il était tout couvert de haillons, et joignant ses menottes bleuies par le froid :
— Oh ! par pitié ! dit-il, un morceau de pain !
Aussitôt, oubliant la confection du beau gâteau dont dépendait son bonheur, la charitable Mar'Yvonnette ne songea plus qu'à vite apaiser la faim du pauvre petit. Et, pour lui faire une galette de blé noir bien chaude, elle se hâta d'étendre sa pâte de sarrasin, sur la pierre du foyer.
Mais, tout à coup, ô miracle ! Voici la table de chêne qui se couvre de vases merveilleux tout emplis de lait doux, de beurre fin, d'œufs battus, aussi jaunes que l'or, de belle farine aussi fine et blanche que la neige.
Et le petit mendiant est devenu plus joli qu'un ange. Il ressemble à l'Enfant Jésus. Autour de ses cheveux blonds, irradie une auréole. Il sourit, et le voici qui, dans ses menottes, prend le lait doux, le beurre fin, les œufs frais et la blanche farine...
Ô miracle ! ô miracle ! Voici des centaines de jolis gâteaux qui sautent sur la pierre du foyer. On dirait des écus d'or ou des étoiles du paradis.
Ô miracle ! ô miracle ! Et les merveilleux gâteaux se multiplient à l'infini. Il y en a bientôt plein la maison, plein les grandes hottes d'osier dont se sert le père de Mar'Yvonnette pour ramasser les pommes de pin qu'il vend, afin d'allumer le feu, dans le château des environs.
Et c'est, dans l'air, un exquis parfum d'encens. Et Mar'Yvonnette est tombée à genoux, en extase. Et, dans l'air, sonnent les cloches de Noël. Alléluia ! Alléluia ! !...
Et, à nouveau, s'ouvre la porte. Cette fois, c'est le père de Mar'Yvonnette qui rentre, avec Mar'Yvon.
Par la cheminée, s'est envolé comme un rayon d'aurore. L'air est encore délicieusement embaumé. L'enfant Jésus a disparu, mais Mar'Yvonnette, en extase, est toujours à genoux, près la pierre du foyer.
À son réveillon, le père de Mar'Yvonnette mangea un gâteau doré comme la flamme du foyer et blanc comme le lys des champs. En outre, ce merveilleux gâteau craquait, sous la dent, comme le givre d'hiver craque sous les sabots. C'est ce gâteau, qu'on appelle, pour cette raison, "le craquelin".
Faut-il ajouter que Mar'Yvon eut sa part du réveillon, et épousa la charitable Mar'Yvonnette ? Faut-il ajouter aussi, que, durant toute leur vie, pleine de bonheur, ils vendirent des craquelins, à la porte de l'église : de beaux craquelins d'or, qu'ils apportaient, sur leur dos, à pleines hottes d'osier ?
Et, c'est aussi, depuis lors, que, dans les petites cahutes étranges du Bourg-Neuf, en Pleurtuit, on façonne ces jolis et délicieux gâteaux qu'on entend bannir [publier], par nos rues, d'une voix si dolente : Craq'lins de Saint-Malo !